Il y a un petit peu de Venise à Vernon. Le sandolo "Scilla" et la gondole "Bucentaur". Venez découvrir le plaisir de ramer sur une gondole, les sensations et les émotions que ça procure... Et peut-être attraperez-vous le virus et aurez envie de pratiquer régulièrement au sein d'un club de rame vénitienne, comme il y en a d'autres en Europe et à Venise!...
Ecrivez-moi à contact@vogavernon.fr, retrouvons-nous le soir après le travail pour aller naviguer une petite heure sur la gondole. Vous prendrez les rames et ferez vos premiers essais..
La rame vénitienne
Ceci est bien une gondole, mais elle n'est pas noire elle est rouge, et elle ne transporte pas de touristes mais plutôt
quatre sportifs qui participent à la Voga Longa... Ils rament à la vénitienne, debout et tournés vers l'avant; ils appellent cela la "Voga alla Veneta".
Pourquoi vouloir ramer à la vénitienne?
Parce que ce sont de beaux bateaux, en bois, héritiers de 1600 ans d'histoire vénitienne, les gondoles, les mascaretas, les caorlinas, etc...
Parce que c'est un sport complet, qui fait travailler les jambes, le dos, les bras. On rame debout tourné vers l'avant, et on a cette sensation étrange de marcher sur l'eau. Lorsqu'il est bien fait, le mouvement est gracieux et élégant; mais pour en arriver là il faut travailler sa technique...
Parce que c'est l'occasion de participer à des rassemblements, en particulier la Voga Longa, mais aussi le rassemblement annuel du CIVV et divers échanges avec les clubs de rame vénitienne en Europe (France, Allemagne, Royaume Uni, Pays bas...)
Les bateaux de Venise
Il y aurait beaucoup à raconter sur les bateaux de Venise et leur longue histoire. Pour faire simple, on peut dire que les clubs à Venise utilisent aujourd'hui une dizaine de types d'embarcations. C'étaient autrefois des bateaux de travail utilisés par les Vénitiens dans leur vie de tous les jours. Aujourd'hui ils ont été adaptés à notre époque pour en faire des bateaux de sport, destinés à la compétition ou aux loisirs.
Le sandolo est le bateau le plus simple, il est souvent utilisé comme bateau école, pour les rameurs débutants. Comme tous les bateaux vénitiens il a un fond plat et large pour être très stable et permettre aux rameurs de se tenir debout. Dans le sens de la longueur, la coque est très arrondie, "bananée" comme on dit, de sorte que la prue et la pupe sont hors de l'eau. Quand elle avance, cette coque pousse l'eau vers le bas plutôt que sur les côtés; elle parvient ainsi à être relativement effilée bien qu'elle soit pourtant très large.
Le bateau que nous avons à Vernon est un sandolo!
On trouve courament des petits sandolos pour un ou deux rameurs, et des plus grands pour 4 rameurs. Bien sûr chaque bateau est unique et on peut trouver ici ou là des sandolo à 6 rameurs ou plus, mais c'est plus rare.
Un sandolo à 4 rameurs (plus un passager :-)
Un sandolo à 4 rameurs
La mascareta
La mascareta est une variante du sandolo optimisée pour la vitesse, c'est un peu un sandolo de compétition. Certaines parties de la coque ont été supprimées pour gagner du poids, notamment le plancher au fond de la barque n'est installé qu'à l'endroit où se trouvent les rameurs, laissant apparent les couples et le fond en contreplaqué. Le bateau peut aussi avoir une forme un peu plus étroite et un peu moins arrondie sur le dessous, pour gagner en vitesse.
Une mascareta
La forme générale reste très proche de celle du sandolo. En pratique on trouve souvent des bateaux qui sont à mi-chemin entre les deux, si bien qu'on ne sait pas très bien quel mot employer pour les nommer. Les deux mots ont surtout une connotation différente, la mascareta est associée à l'idée de vitesse et de performance tandis que le sandolo est associé au confort et à la solidité, la rusticité. Ainsi quand quelqu'un pense être propriétaire d'une mascareta, c'est lui faire injure que de lui parler de son sandolo!
l'archetto est un des éléments distinctifs de la mascareta. Il s'agit de cette pièce de bois en forme d'arc de cercle disposée au niveau du rameur avant et sur laquelle il peut appuyer son genou droit. Il est censé lui permettre de se pencher au maximum vers l'extérieur de la barque pour avoir le plus grand bras de levier possible sur sa rame. Il est peu utilisé en pratique et certains clubs sont même tentés de couper cet appendice inutile, mais il y a toujours quelqu'un pour s'y opposer et rappeler qu'une mascareta qui n'aurait plus son archetto ne serait plus tout à fait une vraie mascareta!... Il incarne la vocation sportive de la barque, un peu comme le becquet à l'arrière d'une voiture de sport.
L'archetto sur lequel la rameuse avant apuie son genou
Le puparin
Il ressemble aussi à un sandolo mais le rameur à l'arrière (celui qu'on appelle le pupiere) se tient debout sur le pont plutôt qu'au fond de la barque. C'est la même configuration que sur une gondole. La position en hauteur se prête bien à la navigation en solo, parce qu'alors la rame est un peu plus verticale et peut mieux faire office de gouvernail pour redresser la barque et la faire avancer droit bien qu'on ne rame que d'un côté.
Un puparin
Un puparin peut aussi être utilisé à deux ou quatre rameurs. On a alors une barque qui a la simplicité d'un sandolo mais un comportement sur l'eau qui se rapproche de celui d'une gondole.
La caorlina
C'est un bateau plus grand, pour 6 rameurs. Il est symétrique, la proue et la poupe ont exactement la même forme. Les débutants l'apprécient pour son côté stable et rassurant, mais c'est aussi un bateau de régate. Un équipage bien entraîné peut la faire naviguer aux alentours de 12km/h ce qui est étonnamment rapide pour un bateau qui semble un peu pataud au premier abord.
Une caorlina
Le nom caorlina semble suggérer que cette barque serait originaire de la ville de Caorle, à environ 50km au nord-est de Venise, mais les documents historiques suggèrent qu'il n'en est rien. Elle serait apparue dans les vilages proches de Venise, notamment à Burano et à Mestre, elle était utilisée notamment par les pêcheurs et les maraîchers qui amenaient leurs marchandises sur le marché du Rialto.
La "Regata delle 50 caorline"
La regata storica sur caorlina
La gondole
On connaît tous les gondoles noires qui promènent les touristes au pied de la place Saint Marc, mais il n'y a pas que ça... Il y a aussi des gondoles de compétition!
Une régate sur gondole
Les gondoles sont de drôles de bateaux. Comme le gondolier rame toujours du côté droit de la gondole, et a donc tendance à la faire tourner à gauche, on lui simplifie la vie en faisant une barque asymétrique : le côté gauche est plus arrondi que le côté droit, de sorte que la gondole a tendance naturellement à tourner à droite. De plus, comme le gondolier se tient toujours complètement sur la gauche de la gondole, et la fait pencher de ce côté, on compence en faisant le bord gauche plus haut que le bord droit, et en faisant la proue et la poupe inclinées vers la droite : au repos, la gondole semble penchée vers la droite, mais dès que le gondolier prend sa place à gauche de la gondole, tout se redresse et rentre dans l'ordre! En résumé la gondole est un bateau complètement tordu, de manière à pouvoir avancer droit. Et le pire c'est que ça marche!...
Vue de derrière on voit mieux comme la gondole est asymétrique
Une gondole mesure environ 10m de long mais à peine la moitié de cette longueur est immergée dans l'eau, la proue et la poupe semblent flotter dans les airs. Le ferro, cette grande pièce de métal accrochée à la proue, fait contrepoids pour équilibrer le poids du gondolier, placé au-dessus du vide en arrière de la ligne de flottaison. C'est une répartition des masses curieuse, mais c'est élégant!... La faible surface mouillée de la coque lui permet de glisser sans effort, on dit qu'un gondolier ne dépense pas plus d'énergie qu'un marcheur pour faire avancer les 500 kg de sa gondole, plus le poids des passagers. Il suffit de donner quelques coups de rame pour la lancer et ensuite elle semble glisser toute seule ou presque, à petite vitesse, mais sans efforts...
L'utilisation en régate est moins évidente. Cette embarcation ne semble pas faite pour réaliser des pointes de vitesse. Les artisans vénitiens ont pourtant inventé des embarcations plus rapides, notamment le gondolino, mais la gondole a un prestige tout particulier. C'est l'embarcation de la régate de Murano (à un rameur), de Burano (à deux rameurs) , "del redentore", et d'autres régates encore. Peut-être est-elle plus spectaculaire pour le public? Et tant pis si elle n'avance pas très vite; tant mieux même, peut-être?
Une gondole rose. Pourquoi pas? A l'heure où on fait des étraves inversées pour augmenter la longueur de carène, ce bateau semble une totale hérésie! Mais qu'importe, c'est joli :-)
Pour aller vite, il vaut mieux utiliser un gondolino. C'est une évolution de la gondole optimisée pour la vitesse. En pratique il n'est utilisé que dans une seule régate, la plus importante de toutes : la Régata Storica. Comme on peut s'y attendre, il est long, étroit et instable. On en a déjà vu chavirer au milieu de la course, certains sont rentrés à la nage...
Deux gondolinos à la lutte pendant la Régata Storica.
Qu'est-ce qui est encore plus excentrique et farfelu qu'une gondole à 4 rameurs? Une gondole à 12 rameurs. Ou même à 14, ou même à 18.... Ces gondoles à ralonge ne sont pas plus rapides que leurs petites soeurs, mais elles ont une présence incroyable sur l'eau. Le jour de la Voga Longa, elles sont les stars de la journée, ce sont elles que le public applaudit et que les photographes immortalisent. Pour saluer leurs admirateurs, elles font "alza remi" c'est-à-dire que les rameurs lèvent leur rame tous en même temps et prennent la pose pendant quelques secondes... Ca a de l'allure!
La Disdotona du club "Canottieri Querini". Terriblement Vénitien!...
Alza remi!...
La technique
Il y a essentiellement trois manières de ramer sur un bateau vénitien:
En équipage, habituellement à deux ou quatre rameurs, parfois à six, parfois à beaucoup plus...
En solo, à une seule rame comme les gondoliers
En solo à deux rames, une de chaque côté du bateau. Les Italiens appellent ça ramer à la valesana.
En équipage
C'est la manière de pratiquer la plus courante, utilisée aussi bien par les débutants que par les compétiteurs lors des régates. Le mouvement semble simple, mais disons que c'est aussi simple que de faire du vélo c'est à dire qu'il y a tout de même un petit apprentissage. Il faut trouver la bonne position et le bon mouvement pour ne pas avoir mal partout au bout de cinq minutes, il faut se décontracter et trouver son équilibre alors qu'on est debout dans un bateau pas si stable que ça... Il faut surtout maîtriser l'art de sortir la rame de l'eau sans que la vitesse ne la fasse tomber de la forcole, cette pièce de bois sur laquelle elle s'appuie. C'est la principale difficulté que doivent affronter les débutants, il faut quelques séances de navigation pour y parvenir (!)..
Le rameur qui se trouve tout à l'arrière du bateau se nomme le "popiere", comme la "popa", la poupe du bateau. C'est lui qui dirige le bateau, il en est un peu le capitaine. Pour contrôler la trajectoire il lui suffit de ramer un peu plus fort pour faire tourner le bateau à gauche, et un peu moins fort pour le faire tourner à droite. Ca paraît simple mais souvent ça ne suffit pas. Le popiere doit alors faire intervenir son équipage, en particulier le rameur qui se trouve juste devant lui en avant-dernière position, et qu'on nomme le santina. Les deux doivent travailler ensemble, le santina doit tendre l'oreille pour entendre les instructions de son popiere et les exécuter efficacement. C'est un travail d'équipe, et coopérer dans la bonne humeur et sans s'ennerver est un art qu'on apprend avec l'expérience(!)...
On voit ici le travail du popiere pour controler la trajectoire du bateau.
En solo à une rame
C'est la façon de faire des gondoliers, mais elle est aussi utilisée dans certaines régates notamment la régate de Murano. Pour faire avancer le bateau droit alors qu'on ne rame que d'un seul côté, il y a une technique: à la fin de chaque coup de rame, on pivote la palle et on l'utilise ensuite comme un gouvernail pour corriger la trajectoire. Avec l'expérience, les deux étapes se fondent en un seul mouvement subtil. C'est pour ça que les gondoliers semblent laisser traîner la pale dans l'eau pendant qu'ils la ramènent vers l'avant : ils contrôlent la trajectoire de leur bateau en faisant cela.
Pour diriger leur bateau dans les canaux étroits de Venise, les gondoliers ont inventé une dizaine de mouvements leur permettant de déplacer leur gondole latéralement, en marche arrière, de la faire tourner sur elle-même... Ces mouvements sont rendus possibles par la forme très particulière de la forcole, cette pièce de bois sur laquelle s'appuie la rame. Maîtriser ces mouvements est un exercice virtuose très satisfaisant, et manoeuvrer son bateau dans des espaces exigus devient un jeu et un défi à relever..
La regata storica sur caorlina
En solo à deux rames : à la valesana
Cette méthode était utilisée par les pêcheurs et plus généralement tous ceux qui avaient à se déplacer sur la lagune. Elle permet de couvrir de grandes distances en optimisant ses efforts. Elle s'applique tout à fait à la navigation sur la Seine.. La principale difficulté est de gérer deux rames en même temps sans s'emmêler les pinceaux. C'est un geste plus technique à réserver aux rameurs plus expérimentés, mais qui est très satisfaisant une fois maîtrisé, et qui permet d'apprécier la liberté qu'offre la navigation en solo...
Les régates
Il y a des régates toute l'année à Venise. La municipalité en organise une dizaine, ce sont les plus prestigieuses, réservées aux athlètes de haut niveau. Les clubs eux, organisent toute l'année des régates pour leurs membres, accessibles à tous. Les régates sont une des raisons d'être des clubs vénitiens, ce sont elles qui ont permis de maintenir vivante cette tradition millénaire de l'aviron à la vénitienne.
Les régates comunales
Ce sont les régates organisées par la municipalité de venise. Il y a plusieurs détails amusants dans la manière dont elles se déroulent.
Tout d'abord les coureurs n'ont pas de dossard : ils courent sur des bateaux de couleur différentes, il y a la gondole rouge, la rose, la jaune, la bleue... La couleur fait office de dossard. Ces bateaux sont fournis par la municipalité de Venise, et il y a un tirage au sort juste avant la course pour savoir quel coureur aura quel bateau.
Le départ se fait en ligne et là aussi il y a un tirage au sort pour savoir sur quelle ligne d'eau se placera chaque coureur pour prendre le départ.
Le départ de la Regata Storica
A l'arrivée, les quatre premiers équipages sont récompensés, ils ne reçoivent pas de médaille mais un drapeau ("bandiera" en italien). Rouge pour le premier, blanc pour le second, vert pour le troisième et bleu pour le quatrième.
D’Este et Vignotto, vainqueurs de la Storica 2018
Les régates sont très suivies par les vénitiens. C'est leur sport national, c'est un peu l'équivalent de notre tour de France, et les athlètes sont des célébrités locales. Ce sont principalement des gondoliers. Autrefois ils étaient en concurrence avec les pêcheurs de la lagune, notamment ceux de Burano et Pelestrina, mais depuis l'arrivée des bateaux à moteur dans les années 50 les pêcheurs n'ont plus le même entraînement qu'autrefois et les gondoliers règnent en maîtres..
La regata storica
A Venise, la course la plus importante est la regata storica, la plus prestigieuse et la plus ancienne, organisée depuis 1841. Les coureurs qui ont réussi à la remporter cinq années consécutives sont sacrés "re del remo", ils ne sont qu'une poignée à avoir réussi cet exploit dans l'histoire de cette course, et les vénitiens se souviennent de chacun d'eux.
Le départ de la course est donné près de l'arsenal, les concurrents remontent ensuite le bassin de Saint Marc, passent devant le palais des doges, puis remontent le grand canal presque en entier. Un peu avant d'arriver à la gare Santa Lucia ils rencontrent un poteau placé au milieu du canal : ils en font le tour et repartent en sens inverse, c'est le "giro del paleto" puis redescendent le grand canal pour passer la ligne d'arrivée peu après le pont du rialto, au niveau du palais ca' foscari.
La première étape, la remontée du bassin de Saint Marc s'appelle la cavata, c'est un moment clé, il faut à tout prix arriver le mieux placé possible à l'entrée du grand canal car ensuite le canal est étroit et les dépassements sont difficiles. Autrement dit, tout se joue dans les 5 premières minutes, une fois rentré dans le grand canal la course est quasiment jouée. Mais il peut y avoir des surprises, notamment au niveau du "giro del paleto", les bateaux se téléscopent, les concurrents se gênent, et un poursuivant peut en profiter pour passer devant et prendre le large...
La catégorie reine est la course sur gondolino pour deux rameurs. Il y a aussi la catégorie dames sur mascareta à deux rameuses, les jeunes sur puparin, toujours à deux rameurs, et la course des caorlina à 6 rameurs.
Les autres régates comunales
Parmi les autres régates comunales on peut citer celle de Murano (sur gondole à un seul rameur), celle de Burano (sur gondole à deux rameurs) ou celle de Pelestrina sur puparin à deux rameurs. Toutes ces régates sont visibles sur YouTube, comme ici la régate de Murano 2022
Ou encore cette très belle vidéo de la régate de pelestrina 2018
Autres régates
Parmi les régates qui ne sont pas organisées par la municipalité de Venise, on peut citer notamment:
la "régata delle 50 caorline" : environ 50 caorlinas venus de tous les clubs de la lagune se retrouvent pour une régate, où les meilleurs s'affrontent pour gagner tandis que les derniers sont là juste pour participer et passer un bon moment ensemble... D'une année sur l'autre le nombre de bateaux varie un peu, il n'y en a jamais exactement 50; dans tous les cas la ligne de départ est impressionante...
la Regata della Befana : La régate des sorcières. Le 6 janvier de chaque année, à l'occasion de la fête des Rois Mages, les concurrents déguisés en sorcière, chacun avec un petit châle d'une couleur différente, s'affrontent sur le grand canal pour savoir laquelle sera la plus rapide!
La Regata alla Valesana dei Babbi Natale : une régate de Père-Noêls...
La regata del secolo (la régate du siècle): la somme des âge des deux rameurs de chaque bateau doit être supérieure ou égale à 100 : une régate pour les vétérans
Et d'autres encore, plus ou moins farfelues. Les Vénitiens aiment faire la fête et aiment se déguiser! Rien d'étonnant n'est-ce pas?
La voga longa
C'est un rassemblement majeur à Venise, qui attire chaque année plusieurs milliers de rameurs venus de toute l'Europe. Ils viennent faire un circuit d'une trentaine de kilomètres à travers la lagune, ils partent devant le palais des Doges, puis vont jusqu'à Burano et reviennent en remontant tout le grand canal jusqu'à la Basilique de la Salute.. Cet événement a été créé dans les années 70, pour essayer de relancer la rame à la vénitienne, à une époque où les bateaux à moteurs étaient à la mode et où les jeunes se désintéressaient de cette tradition millénaire. Cinquante ans plus tard, on peut dire que c'est un succès, la région de Venise compte plusieurs dizaines de clubs, et leur nombre d'adhérents augmente progressivement d'année en année. Les jeunes se réapproprient petit à petit cet élément de leur culture.
La rame vénitienne revient de loin, l'arrivée des moteurs a été un cataclysme. Les Vénitiens utilisaient depuis des siècles ce mode de locomotion dans leur vie de tous les jours, pour se déplacer, assurer l'approvisionnement de venise, pour la pêche, etc. Au lendemain de la seconde guère mondiale, en quelques décennies ils ont jeté leurs rames et les ont remplacées par des moteurs. Dans les années 70 seuls les anciens savaient encore ramer de cette manière. Pour préserver ce savoir-faire, il a fallu opérer un changement de mentalité profond : alors que c'était depuis toujours un moyen de locomotion il a fallu en faire un loisir et un sport. La manière de pratiquer a changé, on ne rame plus pour faire avancer péniblement une énorme barque chargée de tonnes de marchandises, on rame aujourd'hui pour le loisir ou pour le sport, sur des bateaux légers et rapides, des versions optimisées des anciens bateaux de travail. Les bateaux d'aujourd'hui appartiennent rarement à des propriétaires privés, mais plutôt à des clubs qui les mettent à disposition de leurs adhérents. Bref un changement de paradigme complet dont une des étapes marquantes a été la création de la Voga Longa...
Un club de rame vénicienne à Vernon?
Vernon n'est pas Venise, mais la Seine a des similitudes avec la lagune de Venise, c'est une vaste étendue d'eau à parcourir sur de grandes distances, peu profonde par endroits, les bateaux de la lagune y ont toute leur place... Le site de Vernon est particulièrement intéressant, les îles en aval et l'embouchure de l'Epte en amont sont autant de terrains de jeux qui semblent avoir été faits sur mesure pour ce type de bateau.
A Vernon il y a pour l'instant deux bateaux:
Scilla
Le nom Scilla est en fait le prénom de son ancienne propriétaire, Scilla Favero, qui l'a restauré à neuf avant de lui donner son nom. Ce bateau appartenait initialement au père de Scilla, il l'a fait construire au chantier Amadi à Burano dans les années 70, et l'a utilisé pendant de nombreuses années pour aller à la chasse sur la lagune de Venise. Avec le temps, il a cessé de l'utiliser et l'a laissé tomber à l'abandon. Jusqu'à ce que Scilla décide de le restaurer et de le revendre à quelqu'un qui en en aurait l'usage...
Bucentaur
La gondole Bucentaur a été construite à Venise il y a environ quarante ans. Elle a été utilisée sur place une quinzaine d'années, puis vendue à un propriétaire munichois. Elle a navigué pendant plusieurs années sur le lac Wörthsee, puis le plan d'eau du palais de Nymphenburg, puis celui du château de Schleißheim, avant de rejoindre finalement Vernon...
Il y a à Munich une tradition de la gondole qui remonte à Max Emmanuel II de Bavière, prince électeur du Saint Empire romain germanique et contemporain de Louis XIV. Il s'était aperçu que pour se déplacer, les gondoles étaient plus confortables que les carrosses de l'époque, et s'était fait construire un réseau de canaux reliant ses résidences princières. Il y avait à l'époque en Bavière près de 80 gondoles, ainsi que le navire d'apparat du prince qui s'appelait "der Bucentaur", et qui était très similaire au "Bucintoro" des doges de Venise.