Les bateaux de Venise
Il y aurait beaucoup à raconter sur les bateaux de Venise et leur longue histoire. Pour faire simple, on peut dire que les clubs à Venise utilisent aujourd'hui une dizaine de types d'embarcations. C'étaient autrefois des bateaux de travail utilisés par les Vénitiens dans leur vie de tous les jours. Aujourd'hui ils ont été adaptés à notre époque pour en faire des bateaux de sport, destinés à la compétition ou aux loisirs.Le sandolo
Le sandolo est le bateau le plus simple, il est souvent utilisé comme bateau école, pour les rameurs débutants. Comme tous les bateaux vénitiens il a un fond plat et large pour être très stable et permettre aux rameurs de se tenir debout. Dans le sens de la longueur, la coque est très arrondie, "bananée" comme on dit, de sorte que la prue et la pupe sont hors de l'eau. Quand elle avance, cette coque pousse l'eau vers le bas plutôt que sur les côtés; elle parvient ainsi à être relativement effilée bien qu'elle soit pourtant très large.

On trouve courament des petits sandolos pour un ou deux rameurs, et des plus grands pour 4 rameurs. Bien sûr chaque bateau est unique et on peut trouver ici ou là des sandolo à 6 rameurs ou plus, mais c'est plus rare.

La mascareta
La mascareta est une variante du sandolo optimisée pour la vitesse, c'est un peu un sandolo de compétition. Certaines parties de la coque ont été supprimées pour gagner du poids, notamment le plancher au fond de la barque n'est installé qu'à l'endroit où se trouvent les rameurs, laissant apparent les couples et le fond en contreplaqué. Le bateau peut aussi avoir une forme un peu plus étroite et un peu moins arrondie sur le dessous, pour gagner en vitesse.
La forme générale reste très proche de celle du sandolo. En pratique on trouve souvent des bateaux qui sont à mi-chemin entre les deux, si bien qu'on ne sait pas très bien quel mot employer pour les nommer. Les deux mots ont surtout une connotation différente, la mascareta est associée à l'idée de vitesse et de performance tandis que le sandolo est associé au confort et à la solidité, la rusticité. Ainsi quand quelqu'un pense être propriétaire d'une mascareta, c'est lui faire injure que de lui parler de son sandolo!
l'archetto est un des éléments distinctifs de la mascareta. Il s'agit de cette pièce de bois en forme d'arc de cercle disposée au niveau du rameur avant et sur laquelle il peut appuyer son genou droit. Il est censé lui permettre de se pencher au maximum vers l'extérieur de la barque pour avoir le plus grand bras de levier possible sur sa rame. Il est peu utilisé en pratique et certains clubs sont même tentés de couper cet appendice inutile, mais il y a toujours quelqu'un pour s'y opposer et rappeler qu'une mascareta qui n'aurait plus son archetto ne serait plus tout à fait une vraie mascareta!... Il incarne la vocation sportive de la barque, un peu comme le becquet à l'arrière d'une voiture de sport.
Le puparin
Il ressemble aussi à un sandolo mais le rameur à l'arrière (celui qu'on appelle le pupiere) se tient debout sur le pont plutôt qu'au fond de la barque. C'est la même configuration que sur une gondole. La position en hauteur se prête bien à la navigation en solo, parce qu'alors la rame est un peu plus verticale et peut mieux faire office de gouvernail pour redresser la barque et la faire avancer droit bien qu'on ne rame que d'un côté.
Un puparin peut aussi être utilisé à deux ou quatre rameurs. On a alors une barque qui a la simplicité d'un sandolo mais un comportement sur l'eau qui se rapproche de celui d'une gondole.
La caorlina
C'est un bateau plus grand, pour 6 rameurs. Il est symétrique, la proue et la poupe ont exactement la même forme. Les débutants l'apprécient pour son côté stable et rassurant, mais c'est aussi un bateau de régate. Un équipage bien entraîné peut la faire naviguer aux alentours de 12km/h ce qui est étonnamment rapide pour un bateau qui semble un peu pataud au premier abord.


La gondole
On connaît tous les gondoles noires qui promènent les touristes au pied de la place Saint Marc, mais il n'y a pas que ça... Il y a aussi des gondoles de compétition!
Les gondoles sont de drôles de bateaux. Comme le gondolier rame toujours du côté droit de la gondole, et a donc tendance à la faire tourner à gauche, on lui simplifie la vie en faisant une barque asymétrique : le côté gauche est plus arrondi que le côté droit, de sorte que la gondole a tendance naturellement à tourner à droite. De plus, comme le gondolier se tient toujours complètement sur la gauche de la gondole, et la fait pencher de ce côté, on compence en faisant le bord gauche plus haut que le bord droit, et en faisant la proue et la poupe inclinées vers la droite : au repos, la gondole semble penchée vers la droite, mais dès que le gondolier prend sa place à gauche de la gondole, tout se redresse et rentre dans l'ordre! En résumé la gondole est un bateau complètement tordu, de manière à pouvoir avancer droit. Et le pire c'est que ça marche!...
Une gondole mesure environ 10m de long mais à peine la moitié de cette longueur est immergée dans l'eau, la proue et la poupe semblent flotter dans les airs. Le ferro, cette grande pièce de métal accrochée à la proue, fait contrepoids pour équilibrer le poids du gondolier, placé au-dessus du vide en arrière de la ligne de flottaison. C'est une répartition des masses curieuse, mais c'est élégant!... La faible surface mouillée de la coque lui permet de glisser sans effort, on dit qu'un gondolier ne dépense pas plus d'énergie qu'un marcheur pour faire avancer les 500 kg de sa gondole, plus le poids des passagers. Il suffit de donner quelques coups de rame pour la lancer et ensuite elle semble glisser toute seule ou presque, à petite vitesse, mais sans efforts...
L'utilisation en régate est moins évidente. Cette embarcation ne semble pas faite pour réaliser des pointes de vitesse. Les artisans vénitiens ont pourtant inventé des embarcations plus rapides, notamment le gondolino, mais la gondole a un prestige tout particulier. C'est l'embarcation de la régate de Murano (à un rameur), de Burano (à deux rameurs) , "del redentore", et d'autres régates encore. Peut-être est-elle plus spectaculaire pour le public? Et tant pis si elle n'avance pas très vite; tant mieux même, peut-être?

A l'heure où on fait des étraves inversées pour augmenter la longueur de carène, ce bateau semble une totale hérésie! Mais qu'importe, c'est joli :-)
Pour aller vite, il vaut mieux utiliser un gondolino. C'est une évolution de la gondole optimisée pour la vitesse. En pratique il n'est utilisé que dans une seule régate, la plus importante de toutes : la Régata Storica. Comme on peut s'y attendre, il est long, étroit et instable. On en a déjà vu chavirer au milieu de la course, certains sont rentrés à la nage...
Qu'est-ce qui est encore plus excentrique et farfelu qu'une gondole à 4 rameurs? Une gondole à 12 rameurs. Ou même à 14, ou même à 18.... Ces gondoles à ralonge ne sont pas plus rapides que leurs petites soeurs, mais elles ont une présence incroyable sur l'eau. Le jour de la Voga Longa, elles sont les stars de la journée, ce sont elles que le public applaudit et que les photographes immortalisent. Pour saluer leurs admirateurs, elles font "alza remi" c'est-à-dire que les rameurs lèvent leur rame tous en même temps et prennent la pose pendant quelques secondes... Ca a de l'allure!